Guten Morgen
Ça veut dire bonjour en allemand.
Et si l’on parlait un peu de secousses
Je te prie de m’excuser de ne pas t’écrire davantage (oui je te tutoie, puisqu’après tout il y a une certaine intimité entre nous vu que tu connais sans doute ma voix et que tu as donc l’habitude que je te parle). Si ça te dérange, dis-le moi évidemment. ;)
J’ai peu écrit car je ne sais pas trop quoi raconter ces jours-ci. De quoi parler et surtout comment alors que d’une part le bruit est assourdissant et d’autre part que j’ai le sentiment que quoi que l’on dise, personne n’écoute vraiment ?
As-tu le sentiment comme moi que le débat est presque devenu vain ?
As-tu toi aussi essayé de parler à des proches en développant une argumentation qui te paraît impeccable et qui pourtant fait « pchit » ?
T’es-tu retrouvé à devoir écouter un discours composé de phrases toutes faites, de formules déjà maintes fois entendues ailleurs, contenant tous ces mots-clés sans substance que l’on nous fait rentrer dans la tête au marteau ?
Cette tendance au raccourci en même temps qu’à un sentiment de surconfiance n’est pas nouvelle et elle a des racines profondes. Je ne vais pas ici l’analyser, mais si ça vous intéresse, j’ai écrit une trentaine de pages sur le sujet dans mon livre et je suis ravi de vous les offrir en téléchargement (Pardonnez-moi certains bugs de mise en page et de caractère, j’ai dû bricoler pour extraire le 1er chapitre du PDF).
Difficile pour moi donc de savoir quoi raconter en cette période d’agitation (de « séisme » comme certains l’ont dit avec justesse) politique inattendue donc. Dois-je te dire quoi voter et pourquoi ?
Non, ça n’est pas ma ligne depuis le début ; je l’ai déjà expliqué, j’essaie simplement de produire des contenus qui donnent à réfléchir tout en sachant bien que quoi que je dise tu en penseras bien ce que tu veux. Mais je peux au moins te dire une chose : je ne voterai pas RN (si jamais ça n’était pas encore clair pour toi…).
Mes arguments ?
Au-delà de leur incompétence que j’estime problématique, ces gens me font peur.
J’ai peur du climat de tension que leur simple arrivée au pouvoir créerait, du message envoyé à toutes les personnes « non-blanches » de France qui se sentiraient pour la plupart rejetées ou même en danger (ma femme, qui est d’origine vietnamienne, en pleure).
J’ai peur qu’on ne puisse demain plus se parler si l’on n’est pas tout à fait d’accord, qu’il faille se positionner de manière binaire. J’ai peur de la montée de la violence et d’une forme d’escalade alors que la société est déjà particulièrement en tension.
J’ai peur aussi de cette tendance qu’ont les partis d’extrême droite à détricoter l’état de droit, à affaiblir les contre-pouvoirs, à museler ou manipuler la presse, à s’affranchir de l’idée même de vérité. Toutes ces choses sont aujourd’hui déjà mises à mal, mais pas encore à terre ; et j’y tiens, elles me paraissent bonnes.
Les alternatives ne sont pas parfaites (elles ne le sont jamais), mais malgré tout, elles me semblent moins dangereuses.
Je m’arrête là.
Je ne veux pas ici développer une argumentation solide pleine de références qui de toute façon ne vous convaincront pas. Je partage juste un peu de ce que je ressens en sachant bien que ça n’est certainement pas très intéressant pour toi. Tu voteras bien pour qui tu veux, en fonction de ton vécu, de tes propres peurs, de l’information qui arrive jusqu’à toi, de tes analyses, etc…
Juste un seul conseil en passant : multiplions les sources, sortons de nos bulle, parlons à ceux qui ne pensent pas comme nous. On a plus que jamais besoin d’empathie pour pouvoir faire société (c’est in fine le vrai sujet) alors que le monde tout autour se tend.
Cette période me met au défi d’appliquer toutes ces belles idées que j’ai croisées lors de mes conversations et de mes lectures : le doute, l’écoute, la tolérance, la prise de recul, l’esprit critique… Pas simple quand l’émotion s’en mêle.
La meilleure chose que je puisse faire est de te renvoyer vers quelques épisodes publiés récemment :
D’abord celui sur le monde d’hier de Stefan Zweig, parce qu’il nous rappelle qu’il n’y a pas si longtemps des Européens ont été très naïfs et que cela les a conduits au désastre. Il nous rappelle combien l’ignorance, l’effet de troupeau, le racisme et la xénophobie ont pu être destructeurs.
Ensuite le dernier épisode sur le travail de Ray Dalio, parce qu’il nous fait comprendre qu’il y a des principes qui régissent la santé des nations, leurs succès et leurs échecs. Et aussi qu’il nous invite à prendre de la hauteur de vue sur le contexte dans lequel se trouvent la France et l’Europe actuellement.
Enfin, l’épisode sur la propagande avec David Colon, parce qu’il nous fait réfléchir sur les inquiétantes stratégies médiatiques actuelles.
Bonus : mon post Linkedin sur LA plus importante crise de notre époque moderne
À n’en pas douter, nous entrons dans une zone de turbulence et je vais quoi qu’il arrive continuer d’en comprendre les tenants et aboutissants en espérant que ça pourra nous aider à la traverser au mieux sans faire trop de casse.
À creuser
Avez-vous entendu parler de Tongwei ? Et de BP ? Tout le monde connaît les Sept Sœurs du Big Oil (Seven Sisters), mais il y a un nouveau rival sur le marché - appelons-les les Sept Solaires de Chine.
Les « Sept Solaires » produisent maintenant des quantités d'énergie utile comparables à celles des grandes compagnies pétrolières. Si l'on considère la quantité totale d'énergie que chaque entreprise peut produire sans réinvestissement majeur (soit en trouvant de nouvelles réserves, soit en dépréciant les panneaux), l'énergie « renouvelable » prend clairement la tête.
Cela marque le début d'un changement profond, passant du pétrole à l'énergie solaire. Tongwei prévoit déjà de doubler sa capacité de production solaire actuelle.
À méditer
Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n’ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas ; ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans les affaiblir, et une avalanche de malheurs ou de maladies se succédant sans interruption dans une famille, ne la fera pas douter de la bonté de son Dieu ou du talent de son médecin.
- Marcel Proust (Du côté de chez Swann, 1913)
Autrement dit, c’est compliqué de faire changer d’avis une personne qui n’a pas envie d’en changer…
À méditer 2
Critères caractéristiques d'un régime fasciste d’après Umberto Eco (livre "Reconnaître le fascisme" issu d’un discours d’Umberto Eco de 1995)
culte de la tradition
refus du modernisme
l'action pour l'action (donc la culture est suspecte)
désaccord vu comme une trahison
peur de la différence
appel aux classes sociales défavorisées frustrées
nationalisme et obsession du complot
haine d'une supposée élite (les riches, les juifs, etc.) : les ennemis sont à la fois trop forts et trop faibles
valorisation de la guerre, du combat (le pacifisme est une collusion avec l'ennemi)
mépris pour les faibles, élitisme populaire, tropisme dominateur
culte de l'héroïsme et de la mort
machisme
populisme qualitatif : notion abstraite de peuple qui a vraiment le pouvoir (contre les institutions "corrompues")
utilisation d'une novlangue (cf. concept d'Orwell), basée sur un lexique appauvri et des raisonnements simples (voire simplistes)
NB : Il suffit qu'un seul de ces critères soit rempli pour mettre un régime sur une pente fasciste
Quoi faire de cette liste aujourd’hui ? On peut dire que certains points sont déjà “cochés” ou encore que rien ne nous dise quelle option est la meilleure pour demain. On verra bien…
Et en bonus - quelques liens
Merci pour ta lecture et ton écoute.
Pour ma part, je vais prendre un peu de recul cet été, j’en ai bien besoin. N’attends pas beaucoup d’épisodes de Sismique donc, je vais me déconnecter autant que possible afin de revenir ressourcé à la rentrée qui, je le crois, sera agitée.
Un merci tout spécial à toi si tu fais partie des donateurs/trices. C’est ce qui me permet de continuer de faire tourner ce projet, sans toi ce ne serait pas possible. Et si tu ne donnes pas encore, tu peux le faire via un des liens ci-dessous, même un euro par-ci par-là ça compte pour moi.
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Je te souhaite un bel été, en espérant qu’il ne sera pas trop turbulent…
À vite !
Merci d’être arrivé jusque-là !
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